La cicatrice

Publié le par Eva Pastelli

« Je m’assis à la table du séjour et fouillai avec appréhension le contenu du sachet retrouvé à la cave. Je ne me rappelais que d’une seule chose ; les souvenirs de notre union y étaient rassemblés. J'avais prévu de les classer dans un album au retour de notre voyage de noces. Cinq ans après, je n’y avais toujours pas touché.
Certains couples enterrent une boîte emplie d’objets qu’ils déterrent au premier anniversaire de mariage. J’avais attendu cinq ans, deux enfants et une trahison pour me plier à ce rituel, seule.
La colère et le dégoût me poussaient à tout jeter. Mais les parfums du bonheur étaient encore trop imprégnés dans ma chair. Un étranger n’aurait perçu qu’un tas de feuilles et de fleurs séchées. Chaque feuille et fleur représentait pour moi un coup de poignard planté en plein cœur. Chaque coup donné avait la violence des regrets et la profondeur des remords. Je me remémorai alors le temps passé à concevoir les menus, sous le soleil d’été, ainsi que les épis de blés destinés à décorer les tables. Sur chaque cœur accroché, on pouvait lire “7 épis de blé pour un an de bonheur”. Mon bonheur dura effectivement encore un an.

Les années qui suivirent furent bien sûr ponctuées de joie. Une joie que lui et moi ne sûmes apprécier à sa juste valeur, et gâchâmes à force de disputes.

Par un pur hasard, j’avais deux jarretières le jour de mon mariage : la première que j’avais achetée, et la deuxième, offerte avec la robe de mariée. Fallait-il y voir un signe ? Le destin me l’apprît plus tard... »
La vieille dame au visage jovial laisse couler une larme comme pour signifier que sa peine est peu de chose ; une goutte dans l’océan d’incertitudes que traversent tous les couples. Sa petite fille, émue, lui sèche du revers de la manche.



Toile,
Auteur Aaron Szyjka

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